Strategy & Transformation

Directive européenne CSRD : quelles conséquences pour les entreprises concernées ?

Daniel Chanel MOUZITA

Publiée le mars 11, 2024

Qu’est ce que la directive CSRD ?

La directive Européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), ainsi que sa prédécesseure la NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui avait été appliquée en France via la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière) et jugée insuffisante, sont la matérialisation d’une volonté de l’Union Européenne à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 (European Green Deal ou le Pacte Vert).

L’objectif assumé étant de conduire les entreprises à être plus transparentes sur leurs performances extra-financières. A travers des normes de reporting (appelées normes ESRS European Sustainability Reporting Standards), leurs déclarations extra-financières doivent devenir fiables, comparables et compréhensibles par tous (investisseurs, actionnaires, partenaires, Etats, managers, salariés, fournisseurs, sous-traitants, clients). Une plateforme a été créée par la Commission Européenne (ESAP European Single Access Point) afin de centraliser toutes les informations financières et de durabilité.

Cette directive ambitionne d’améliorer la qualité de l’information extra-financière, son accessibilité ainsi que sa traçabilité. L’activité d’une entreprise ne doit plus s’apprécier seulement à l’aune de sa performance financière, mais aussi de son impact environnemental. Ceci dans le but de connaître les effets de l’activité d’une entreprise sur l’environnement.

La directive européenne CSRD est fondée sur le principe de double matérialité :

Incidences de l’activité de l’entreprise sur le climat <-> Impact du changement climatique sur l’activité de l’entreprise.

Cette double matérialité est considérée par les entreprises concernées comme un élément inquiétant de cette directive. En effet, elles sont peu familières à cet exercice qui jusqu’à présent n’était fondée que sur les seules informations financières. La plupart des entreprises concernées s’interrogent fortement  sur la manière de procéder à cette double matérialité et aux moyens à y consacrer.

Le mécanisme d’analyse de double matérialité est fondée :

  • Sur la matérialité d’impact (l’impact de l’entreprise sur les personnes et l’environnement)
  • Sur la matérialité financière (l’impact des questions sociales et environnementales sur l’activité de l’entreprise)

Chaque entreprise se verra alors demandée de produire une matrice de double matérialité avec des indicateurs adéquats.

Rappelons tout de même que cette directive initiée en avril 2021 par la Commission Européenne, puis publiée le 16 décembre 2022 au journal officiel de l’UE (et depuis janvier 2024 mise en application en France par la directive UE 2022/2464) vient compléter le règlement encadrant la finance durable (SFDR Sustainable Finance Disclosure) et la taxonomie.

Directive CSRD, qu’elles entreprises sont concernées ?

La directive européenne CSRD concerne les entreprises (financières et non-financières) ayant les caractéristiques suivantes :

  • Les entreprises cotées sur les marchés règlementés européens (comprenant les PME cotées)
  • Les grandes entreprise européennes (cotées ou non) excédant au moins deux des trois seuils suivants : 250 salariés, 40 millions d’€ de CA[8] et/ou 20 millions d’€ de total au bilan
  • Les entreprises non-européennes dont les filiales (ou succursales) réalisent font en UE[9] un CA supérieur à 150 millions d’€

Environs 50 000 entreprises sont concernées par la CSRD, contre un peu plus de 11 000 qui l’étaient avec la NFRD.

Son calendrier de publication du 1er reporting étant le suivant :

  • 1er janvier 2025 (exercice 2024) : concerne les entreprises Européennes et non Européennes déjà concernées par le reporting NFRD
  • 1er janvier 2026 (exercice 2025) : concerne les grandes entreprises Européennes et les sociétés non Européennes cotées sur un marché règlementé Européen non soumises à la NFRD
  • 1er janvier 2027 (exercice 2026) : concerne les PME Européennes et non Européennes cotées.
  • 1er janvier 2028 (exercice 2027) : concerne les entreprises non Européennes dont le CA Européen excède 150 millions d’euros à travers une filiale ou une succursale

Selon une étude publiée par Bakertilly en fin d’année 2023, 51% des entreprises interrogées sont inquiètes par rapport à l’application de cette directive. Pourquoi le sont-elles ? Sans doute ne sont-elles pas prêtes ni déjà organisées de telle sorte à répondre aux injonctions de la directive européenne CSRD.

Directive européenne CSRD

Quelles seront les informations publiées via la CSRD ?

Les entreprises sous obligation CSRD devront fournir annuellement dans leur rapport de gestion des indicateurs justifiant la logique de double matérialité qui leur ai demandée.

En pratique, la CSRD requiert que le rapport comprenne :

  • Une description de la BOM (Business Operations Model) de l’entreprise et sa stratégie
  • Les objectifs et les échéances que s’est fixés l’entreprise en matière de durabilité
  • Une description du rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance sur les sujets de durabilité
  • Une description de l’expertise et les compétences de ces organes s’agissant d’exercer ce rôle (ou la manière dont elles vont acquérir cette expertise et compétences)
  • Une présentation des politiques de l’entreprise en matière de durabilité
  • Des informations sur des systèmes d’incitation liés aux questions de durabilité qui sont offerts aux membres des organes d’administration, de direction et de surveillance
  • Un présentation de la procédure de diligence concernant les sujets de durabilité
  • Une présentation des principales incidences négatives, réelles ou potentielles liées à l’activité de l’entreprise
  • Une présentation des mesures prises par l’entreprise afin de prévenir, atténuer, corriger ou éliminer les incidences négatives (réelles ou potentielles) et du résultat obtenu
  • Une description des risques liées aux questions de durabilité (y compris les dépendances de l’entreprise en la matière) et comment l’entreprise les gère
  • Un descriptions compète des indicateurs concernant les informations à publier présentées ci-dessus

L’information à publier dans le cadre de la CSRD se conformera aux recommandations de la TCFD (Task-Force on Climate-related Financial Disclosures) en suivant quatre catégories : (1) la gouvernance, (2) la Stratégie, (3) la Gestion des impacts, risques et opportunités, (4) les indicateurs et objectifs. Et en se conformant aux 10 thèmes ESG (Environnement Social Gouvernance)

A quels impacts organisationnels doivent s’attendre les entreprises ?

Au global, trois grandes phases sont à considérer.

Cas d’une entreprise déjà soumise à la NFRD

Phase I : de la ratification de la directive au niveau de la commission européenne à fin juin 2023

Objectifs

  • Prendre connaissance du texte de la CSRD et s’en imprégner
  • Prendre connaissance des projets en cours de normes ESRS
  • Faire une analyse d’écart entre les attendus et l’existant composant le système de reporting de l’entreprise
  • Faire une analyse d’impact sur les processus (opérationnels, de management et support) de l’entreprise
  • Faire une analyse d’impact sur le SI (Système d’Information), les technologies et outils de l’entreprise
  • Faire un diagnostic quantitatif de l’effort de mise à jour requis (ressources humaines, budget, conséquences sur la production) et l’appréciation des changements à mettre en œuvre
  • Définir un plan d’action et sa gouvernance de suivi et de pilotage
  • Exécuter le plan d’action

Impacts organisationnels

  • Mobiliser des ressources humaines en interne afin de renforcer la task force déjà créée à cet effet pour répondre aux injonctions de la NFRD. Le risque étant d’appauvrir en ressources humaines certaines équipes opérationnelles avec un impact direct et remarquable sur la production
  • Modifier la gouvernance opérationnelle de l’entreprise. Passant d’une gouvernance en « tour de contrôle » à une gouvernance hybride, tout en maintenant la strict observance des principes essentiels de gouvernance qui sont la transparence, la responsabilité, l’équité et la performance

Phase II : de fin juin 2023 à fin 2024

Objectifs

  • S’assurer que les normes définitives ne comportent pas de changements au regard des projets de l’EFRAG
  • Identifier / Construire / Collecter l’information nécessaire et commencer la rédaction des états de durabilité selon les normes ESRS trans-sectorielles adoptées la commission européenne

Impacts organisationnels

  • Mettre à jour les fiches de poste de certains collaborateurs en vue des nouvelles tâches de renseignement d’informations de durabilité et toute autre information liée à l’ESG
  • Faire évoluer le SI afin d’automatiser l’identification et la remontée de la donnée dans les systèmes
  • Implémenter un workflow garantissant la fiabilité et la traçabilité de l’information

Ici les impacts sont caractérisés d’une part par la mise en norme du schéma RH et d’autre part par le déroulement des projets visant à optimiser le SI de l’entreprise.

Phase III : en 2025

Objectifs

  • Publier les 1er états de durabilité (exercice 2024) selon les normes ESRS trans-sectorielles
  • Collecter l’information nécessaire et commencer la préparation des états de durabilité selon les premières normes ESRS sectorielles telles qu’adoptées par voie d’actes délégués par la commission européenne fin juin 2024 (à confirmer)

Impacts organisationnels

Intégrer de manière définitive dans la structure organisationnelle (organigramme) les fonctions consacrées aux activités liées au reporting CSRD

Cas d’une entreprise n’ayant jamais publié d’information de durabilité

Phase I : de la ratification de la directive au niveau de la commission européenne à fin 2023

Objectifs

  • Se familiariser avec les enjeux de reporting de durabilité et la CRSD
  • Conduire une première analyse de matérialité
  • Réaliser une cartographie exhaustive des grands enjeux de durabilité (impacts, risques et opportunités) spécifiques à l’entité
  • Déduire les futurs besoins de reporting de durabilité (stratégie, indicateurs, plan d’action)
  • Réaliser un diagnostic de l’organisation (processus, structure, systèmes et outils) afin d’avoir une idée du chemin à parcourir et anticiper les actions à mette en œuvre
  • Intégrer les besoins en termes d’informations à collecter telles qu’anticipées par les normes trans-sectorielles publiées par l’EFRAG devant être approuvées par la commission européenne
  • Adapter l’organisation, les processus, le référentiel de reporting et de contrôle de l’information ainsi que les systèmes d’information

Impacts organisationnels

  • Opérer une forte mobilisation des ressources humaines en interne afin de constituer la task force pour répondre aux injonctions de la directive européenne CSRD (Construction / Identification des indicateurs, leur provenance et les personnes / services en charge de consolider le reporting). Le risque étant d’appauvrir en ressources humaines certaines équipes opérationnelles avec un impact direct et immédiat sur la production
  • Modifier la gouvernance opérationnelle de l’entreprise. Passant d’une gouvernance en « tour de contrôle » à une gouvernance hybride, tout en maintenant la strict observance des principes essentiels de gouvernance qui sont la transparence, la responsabilité, l’équité et la performance

Phase II : sur 2024 et 2025

Objectifs

  • Affiner l’analyse de matérialité et identifier de manière précise l’information qui devra être publiée
  • Implémenter les nouveaux processus et systèmes de reporting
  • Collecter l’information nécessaire pour les 1er états de durabilité
  • Définir le contenu de ces états et comment ils vont s’intégrer dans le rapport de gestion annuel
  • Concevoir les états de durabilité selon les normes ESRS trans-sectorielles adoptées
  • Intégrer dans le plan d’action les exigences en matière de collecte d’informations telles qu’anticipées par les dix premières normes ESRS sectorielles
  • Si nécessaire, faire un benchmark des états de durabilité pertinents déjà établis conformément à la directive européenne CSRD et disponibles
  • Choisir l’organisme qui auditera les états de durabilité après leur 1ère publication début 2026

Impacts organisationnels

  • Modifier la cartographie des équipes opérationnelles et mettre à jour le schéma RH, sur la base de la construction d’un pôle en charge des sujets CSRD
  • Constituer formellement une task force en charge de mener les projets d’évolution du SI (cela peut être la même task force constituée en phase I) afin que celui-ci puisse faciliter l’identification, la fiabilisation, la traçabilité et la remontée de la donnée

Ici aussi, les impacts sont caractérisés d’une part par la mise en norme du schéma RH et d’autre part par le déroulement des projets visant à optimiser le SI de l’entreprise.

Phase III : en 2026

Objectif

Publier les 1er états de durabilité de l’exercice 2025 selon les normes ESRS trans-sectorielles.

A savoir qu’aucune information comparative n’est requise la 1ère année d’application.

Impacts organisationnels

Intégrer de manière définitive dans la structure organisationnelle (organigramme) les fonctions consacrées aux activités liées au reporting CSRD.

 

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