Gaming & Esport : quelles perspectives d’avenir ?
Kaci IDJAKIRENE
Publiée le mars 24, 2023
Kaci IDJAKIRENE
Publiée le mars 24, 2023
L’avenir du Gaming et de l’esport se mesure et s’apprécie grâce aux données actuelles du secteur : 3,2 milliards de joueurs, 220 milliards de dollars de chiffre d’affaires, une croissance annuelle du marché de 17,8%. Ces chiffres sont ceux du marché du jeu vidéo en 2022, le gaming. Un marché qui s’est imposé comme le leader mondial de l’industrie du divertissement. Profitant d’un contexte ultra-favorable avec la pandémie du COVID, le gaming pèse aujourd’hui à lui seul plus que les marchés de la musique et du cinéma réunis. Phénomène mondial, sur Youtube la moitié de l’ensemble des vidéos de la plateforme concerne le gaming. Phénomène en France également, le jeu vidéo y est le produit culturel le plus vendu chaque année depuis 2014.
Le gaming touche toutes les populations, tous les territoires, est praticable sur mobile, ordinateur, ou console. Ce point est particulièrement important lorsque l’on cherche à comprendre sa croissance. Si le football s’est imposé comme le sport numéro un, c’est en partie dû au spectacle qu’il offre mais surtout parce qu’il présente une barrière à sa pratique absolument minime. On peut jouer au football seul ou à plusieurs, et l’unique besoin matériel pour commencer à jouer est un ballon. Le gaming tend à présenter la même facilité de pratique grâce aux différentes plateformes utilisables. Derrière chaque possesseur de smartphone ou d’ordinateur se cache un gamer potentiel.
L’esport est une niche du gaming, le terme désigne la pratique compétitive du jeu vidéo qui voit des joueurs s’affronter en ligne ou en présentiel. Apparu dès les années 70 aux États-Unis, l’esport s’est structuré autour de compétitions locales, nationales, continentales et internationales. Au contraire des sports classiques qui se sont développés à partir des strates amateurs pour se professionnaliser, l’esport s’est lui structuré à partir d’organisations professionnelles et commence à développer sa pratique amateur.
A ce jour, trois principaux types de pratique ont été définis par « France Esports » (association œuvrant pour la promotion et le développement du esport), l’esport loisir, l’esport amateur et l’esport professionnel. L’esport loisir est la pratique de l’esport hors des circuits de compétition mais avec un objectif de classement. L’esport amateur désigne quant à lui la pratique avec classement et occasionnellement en compétition. Enfin l’esport professionnel désigne la pratique avec classement et en compétition dans le cadre d’une activité salariée. Ces compétitions sont aujourd’hui extrêmement nombreuses, concernent une multitude de jeux vidéo différents et surtout rassemblent toujours plus de participants comme de suiveurs. On comptait en 2022 plus de 640 millions de spectateurs pour les compétitions d’esport avec un chiffre d’affaires estimé à 1,38 milliards de dollars (en croissance de 13,4% sur une année). Comme pour le marché du gaming, la France suit le mouvement. Les dernières études font état de 10,8 millions de consommateurs d’esport dans l’hexagone et d’un peu plus de 2 millions de pratiquant amateurs, un chiffre comparable au nombre de licenciés à la Fédération Française de Football (1ère fédération sportive de France). Ce marché a le vent en poupe, est toujours plus suivi, et logiquement attire toujours plus d’investissements.
L’esport voit des équipes, des clubs, des structures, s’affronter sur des jeux vidéo. Ces clubs rassemblent des joueurs et des fans, des suiveurs de l’esport extrêmement engagés, à la manière des supporters de clubs de football voir même d’ultras. Si ce modèle fonctionne c’est parce qu’aujourd’hui on retrouve un influenceur gaming derrière la plupart des structures esportives. L’exemple le plus parlant en France est celui de la Karmine Corp, structure créée en 2020 par le streamer Kamel « Kameto » Kebir et le youtuber Amine « Prime » Mekri. A partir de leurs communautés respectives, les deux créateurs de contenus ont réussi à fédérer un public toujours plus large autour des succès de leur club. En un peu moins de trois ans, la Karmine Corp a grandement participé au développement et à la démocratisation de l’esport en battant plusieurs fois le record du nombre total de viewers pour des compétitions domestiques d’esport en France, en organisant un évènement en leur honneur à Bercy (sold-out, plus de 40.000 demandes de places), et en vendant plus de maillot de leur structure que des clubs de Ligue 1 de football.
Ce succès social et cet engagement communautaire ont évidemment permis à l’esport d’accélérer son développement et d’attirer plus d’investisseurs. Au travers de levées fonds tout d’abord, le marché étant porteur et de plus en plus compétitif, les clubs esports ont besoin d’investisseurs pour soutenir leur croissance mais aussi pour supporter leurs frais de fonctionnement eux aussi constamment revus à la hausse. A titre indicatif, voici les principales levées de fonds des structures esportives au cours des dernières années :
• Team Vitality (France): 34 millions d’euros en 2019 puis 50 millions d’euros en 2022
• Cloud9 (USA) : 50 millions d’euros en 2018
• Fnatic (UK) : 10 millions d’euros en 2020 puis 17 millions d’euros en 2021
Les premiers clubs esportifs voyaient le jour dans des chambres d’étudiants, des garages ou des salles de jeux en réseau et réunissaient une équipe d’amis passionnés. Aujourd’hui ces mêmes clubs ont des locaux flambants neufs, le matériel gaming dernier cri, payent des salaires aux joueurs pouvant aller jusqu’à plus d’un million d’euros par an pour quelques élus, rassemblent des métiers allant du coaching staff, au marketing, en passant par les préparateurs mentaux, graphistes et chef de projet merchandising.
Un autre centre de dépenses important pour ces clubs est inhérent au fonctionnement des compétitions dont les principales sont organisées en ligues fermées. C’est-à-dire que l’accession à la ligue, comme son départ, ne sont pas indexés sur les performances du club. Les ligues fermées proposent un nombre de places réduit pour prendre part à la compétition, places qui sont ensuite attribuées suite à la soumission d’un dossier de candidature d’un club et au règlement d’un montant fixé par l’organisateur de la compétition. Une fois acquise, la place peut ensuite être revendue par le club la possédant avec l’aval de l’organisateur. On retrouve ici aussi les effets de l’hyper croissance du secteur à travers l’inflation des prix de ces places en ligues fermées. La « LEC » est le plus haut niveau européen de compétition sur le jeu « League Of Legends » de l’éditeur « Riot Games ». Cette compétition voit s’affronter 10 équipes européennes sur le format d’un championnat, chacune ayant obtenu un « slot » (une place) dans la compétition. En 2018, le prix d’un slot en LEC était de 8 millions d’euros et n’a eu de cesse d’augmenter. En 2021, l’équipe suisse « BDS » a acquis le slot de l’équipe allemande « Schalke 04 » pour 26,5 millions d’euros, et en 2022 les slots LEC étaient proposés pour 45 millions d’euros. Les slots constituent aujourd’hui de réels placements financiers.
En réponse à ces postes de dépenses, les sources de revenus du secteur esportif sont clairement définies. Les principales sources de revenus pour un club esport sont les dotations aux compétitions, le sponsoring, la vente de merchandising, la vente de joueurs. L’avenir du Gaming et de l’esport connaîtra des revenus issus de la vente de tickets d’évènements ou de droits TV, qui ne sont pour l’heure pas assez représentatifs en France et en Europe.
Les dotations aux compétitions prennent la forme de cashprizes répartis entre l’ensemble des participants en fonction de leurs performances. Si les cashprizes attractifs ne concernent qu’une poignée de compétitions, certains s’établissent à plusieurs millions voir dizaines de millions de dollars. Le vainqueur d’un tournoi majeur sur des jeux comme « Fortnite » ou « Dota 2 » touchera une récompense plus lucrative que le vainqueur d’un tournoi du Grand Chelem comme Roland Garros ou Wimbledon.
Ces cashprizes se justifient par les audiences toujours plus grandes des compétitions d’esport. Les principaux tournois attirent des millions de viewers, une audience jeune (principalement – de 35 ans) et engagée, ce qui justifient d’importants tickets d’entrée pour les annonceurs provenant d’industries extérieures au gaming. Le sponsoring fera partit intégrante de l’avenir du Gaming et de l’esport en prenant principalement trois formes :
• Le sponsoring d’un club, en tant que partenaire, sponsor maillot
• Le sponsoring d’un joueur qui devient ambassadeur d’une marque
• Le sponsoring d’un évènement/compétition en tant qu’annonceur
Si le sponsoring en esport était très ciblé et attiraient principalement des marques provenant d’industries liées au gaming, aujourd’hui il s’est diversifié. On y trouve des banques, des constructeurs automobiles, ou des acteurs de l’industrie agro-alimentaire pour des montants allant jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros annuels pour certains.
L’avenir du Gaming et de l’esport sera multisectoriel et premium. En effet, le gaming se retrouve partout, gagne des parts de marché et bénéficie en plus d’une logique démographique. Les consommateurs d’aujourd’hui sont les enfants à GameBoy d’hier, les consommateurs de demain sont les collégiens joueurs de Fortnite, Fifa et Valorant d’aujourd’hui. Les entreprises du secteur du luxe l’ont aussi bien évidemment déjà compris. Elles viennent y chercher les jeunes, la génération Z, elles utilisent l’esport comme vecteur pour créer de la proximité avec ces jeunes. L’esport est un support parfait, constamment en évolution, des possibilités infinies pour du sponsoring et surtout une narration à deux dimensions, dans la vie réelle et à l’intérieur du jeu. Dans la vie réelle, les marques de luxes s’associent avec des joueurs en les prenant comme ambassadeurs, avec les équipes pour apparaitre comme sponsor maillot et avec les compétitions comme annonceur. Pour les Finales du Championnat du Monde de League Of Legends qui se tiennent chaque année, le trophée est présenté dans une malle Louis Vuitton. Le fait est d’autant plus marquant lorsque l’on regarde la liste des quelques compétitions qui bénéficient de ce partenariat : la Coupe du Monde de football, la Coupe du Monde de Rugby, la NBA, le tournoi de Roland Garros, le Grand Prix de Monaco, la Coupe de l’America, et donc la Coupe du Monde de League Of Legends.
Le sponsoring se développe également in-game avec la création et la mise en vente d’objets cosmétiques permettant de personnaliser l’avatar des joueurs. Principale source de revenus pour les éditeurs, cette vente d’objets, aussi appelés « skins », est une source de revenus importante pour les parties à l’origine de leur création et leur mise en boutique. Le jeu « Fortnite » a propulsé ce business model sous les projecteurs en annonçant obtenir plus de 5 milliards de dollars de revenus provenant de la vente de skins pour l’année 2020. La pratique s’est démocratisée à l’ensemble de l’industrie du jeu vidéo et on retrouve donc des « skins » Louis Vuitton sur League Of Legends, des « skins » Balenciaga sur Fortnite ou encore des « skins » Valentino sur Animal Crossings. L’in-game advertising ne s’arrête pas là, le jeu vidéo est immersif et les mondes qui y sont créés sont toujours plus grands et réalistes. C’est donc tout naturellement que l’on y retrouve désormais des panneaux publicitaires, les mêmes que l’on peut voir dans la rue, sur l’autoroute ou sur les bords d’un terrain de football. Ils y sont même plus performants, car la zone de chalandise qu’ils proposent est bien évidemment beaucoup grande et surtout le public est beaucoup mieux visé.
Si ces marques misent sur le gaming et l’esport, c’est certes parce qu’ils peuvent paraitre comme étant une réponse magique pour toucher la génération Z, mais c’est aussi parce qu’ils permettent de percer sur de nouveaux marchés. Les marques ont saisi l’opportunité, l’esport est une porte d’entrée parfaite pour viser les marchés asiatiques en particulier. L’Asie est la place forte de l’esport mondial, avec en tête la Corée du Sud et surtout la Chine qui investit massivement dans la discipline. La population locale consomme énormément de contenus liés à l’esport, suit assidûment les compétitions, au point que l’on puisse observer des scènes de liesse dans les rues lorsqu’une équipe chinoise remporte un titre majeur. L’association à l’esport permet aux marques de bénéficier de la visibilité et de l’engouement de la discipline.
Au-delà des marques, les grandes institutions et les états se penchent aussi sur le sujet gaming/esport. Le Comité International Olympique étudie la possibilité d’intégrer l’esport dans la compétition avec des jeux comme « Rocket League » ou « Virtual Regatta ». Le Qatar qui a axé une partie de sa stratégie de développement sur le football a dès 2020 acquis un club esport à Hong-Kong, le « PSG Talon », de la même façon qu’il a acheté le PSG en 2011. Depuis 2020, plusieurs pays du Golfe ont lancé d’importants investissements dans l’esport, en créant des clubs, en achetant des clubs, et en acquérant les sociétés organisatrices de compétitions majeures (achat de « ESL » et « FaceIt » pour 1,5 milliards de dollars en 2022). C’est le cas par exemple de l’Arabie Saoudite qui par le biais de Fayçal Ben Bandar Sultan Al Saoud, membre de la famille royale, a présenté son projet baptisé « Vision 2030 » et ses ambitions d’atteindre les 20 milliards de revenus en 2030 pour l’industrie saoudienne d’esport.
Bien que l’esport représente toujours une niche dans le marché du gaming, son impact global et sa croissance exponentielle le mettent face à d’importants enjeux qui imposent aux acteurs du secteur de développer de nouveaux modèles économiques et partenariats pour soutenir leur croissance, en particulier en Europe et donc en France. Les principaux enjeux auxquels doit faire face le secteur sont la structuration de l’écosystème et la préparation de l’arrivée de droits TV.
Les pouvoirs publics français se sont saisis du sujet, le 16 Janvier 2023 le Ministère des Sports a présenté son plan stratégique de développement du secteur. La structuration du secteur passera par une meilleure cartographie des acteurs du milieu, par des projets de lois réglementant l’activité et par l’encadrement d’une pratique amateur. L’esport amateur doit pouvoir se trouver des lieux de pratiques, probablement en association avec les clubs sportifs classiques qui eux ont déjà des installations et commencent à connaitre des difficultés pour attirer les plus jeunes. La création d’installations dédiées à l’esport doit permettre au secteur de bénéficier d’une source de revenus supplémentaire avec la vente régulière de tickets. Certaines grandes villes comme Toronto ou Shanghai ont même lancé la construction de stades multifonctions intégrant la tenue d’évènements esportifs dans leur conception.
Seconde source de revenus à prévoir pour le secteur, les droits TV. Si en Europe l’esport est quasiment exclusivement diffusé sur Twitch sans abonnement nécessaire, aux États-Unis et en Asie plusieurs grands médias nationaux ont fait l’acquisition de droits de diffusion de compétitions esport. ESPN a diffusé 20 compétitions d’esport l’année dernière et HUYA (équivalent chinois de Twitch) a acquis en 2021 les droits de diffusion de la ligue chinoise de League Of Legends pour 310 millions de dollars et ce jusqu’en 2025. Ce montant est comparable au montant des droits TV de la Ligue 1 de football au début des années 2000.
Le gaming et l’esport sont bel et bien des réponses idéales pour les entreprises cherchant à toucher les jeunes générations, à pénétrer de nouveaux marchés, à développer leur notoriété ou à se moderniser. Sa croissance en fait également un sujet à investissements idéal. L’avenir du Gaming et de l’esport représente de grandes opportunités pour les entreprises. Mais pour se lancer sur ce marché il faut préalablement en comprendre l’écosystème, le fonctionnement, les codes, afin de pouvoir au mieux évaluer les opportunités qui y sont présentes et définir sa stratégie. Une éducation au secteur est un facteur clé de réussite pour tous les projets d’acteurs d’extérieurs au secteur du esport souhaitant l’intégrer. Palmer Consulting croit fermement que le gaming et l’esport n’en sont encore qu’à leurs débuts et vont confirmer toutes les promesses qu’ils nous ont laissé entrevoir. Et bien plus encore. C’est pourquoi nous accompagnons les entreprises dans leurs projets intégrant une dimension gaming ou esport avec l’ambition de vous faire bénéficier de l’ensemble des atouts que présentent ces secteurs et de concrétiser des projets à fort impact. Pour découvrir notre offre de conseil concernant l’avenir du Gaming et de l’esport et de leurs enjeux business sur votre secteur d’activité, consultez notre page dédiée Strategy & Transformation
Pour aller plus loin concernant l’avenir du Gaming et de l’esport, découvrez nos sources :
https://www.france-esports.org/barometre-france-esports-resultats-edition-2022/#:~:text=ans%20et%20plus.-,Pr%C3%A9sentation%20des%20principaux%20r%C3%A9sultats,million%20par%20rapport%20%C3%A0%202021.
https://www.sell.fr/sites/default/files/essentiel-jeu-video/ejv_mars_21_web.pdf
https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-cles-gaming-france-monde-2022/#:~:text=1%20%E2%80%93%20Plus%20de%203%2C2,joueurs%20%C3%A0%20travers%20le%20monde&text=Selon%20le%20Digital%20Report%202022,%25)%20pour%20compl%C3%A9ter%20le%20podium.
https://www.gqmagazine.fr/pop-culture/article/kcx-2-la-karmine-corp-enflamme-bercy-et-confirme-l-engouement-de-l-esport-en-france
https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Un-plan-national-interministeriel-pour-developper-l-esport/1375151
https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639
https://www.breakflip.com/fr/league-of-legends/actualites/prix-d-un-slot-en-lec-combien-couterait-une-place-en-franchise-en-2023-38973
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